Chercher, tourner, trouver
Entre l'artiste et le scientifique, il y a parfois des similitudes pour autant que l'un et l'autre soient dans une démarche de recherche.
Lorsque je note scrupuleusement le protocole de chaque expérience dans mon cahier, je me sens proche de la démarche scientifique. Le fait d'avoir une méthode, de m'attacher à comprendre relève d'une démarche objective. Néanmoins, je ne cherche pas à établir une vérité scientifique, cette recherche n'a pas pour pour but de prouver quelque chose. Elle est guidée par la curiosité et l'envie d'être surprise, étonnée.
Le mouvement d'exploration
Comme l'écrit Blanchot "Trouver, chercher, tourner, aller autour : (...) ce sont des mots indiquant des mouvements mais toujours circulaires. Comme si la recherche avait pour sens de s'infléchir essentiellement en tournant. Trouver s'inscrit sur cette grande "voûte" céleste qui nous a donné les premiers modèles du mouvant immobile. Trouver c'est chercher par le rapport au centre qui est proprement introuvable."
Quand j'observe le chemin des racines dans les patterns, elles semblent aussi exprimer un mouvement de recherche et d'exploration. Ce que je remarque c'est qu'elles appréhendent systématiquement l'espace par ses limites ou ses bords.
Par exemple, elles vont faire plusieurs plusieurs fois le tour d'une forme avant de se lancer et de tisser un réseau à l'intérieur de celle-ci, ce que l'on peut voir dans la photo ci-contre.
C'est en comprenant cette méthode d'exploration de l'espace que je peux travailler avec les racines en leur proposant des formes qu'elles vont explorer.
Suivre les traces
Je m'intéresse aux racines du blé pour les mêmes raisons que je m'intéresse aux fourmis, d'une part parce que ce sont des espèces qui fonctionnent dans des systèmes collectifs et d'autre part parce que les fourmis et les racines ont une perception de l'espace différente de la nôtre.
Je me suis demandée comment une fourmi investirait un espace sans repères connus. J'ai donc capturé une fourmi dans le jardin, je l'ai posée sur un espace limité d'environ 50x50 cm complètement blanc, puis, je l'ai suivie à la trace avec un crayon. Ce qui est intéressant, c'est que la fourmi n'a pas procédé autrement que les racines pour explorer cet espace inconnu : elle a d'abord fait plusieurs fois le tour en se tenant aux limites puis s'est lancée pour traverser l'espace, puis est revenue aux limites, puis s'est élancé de nouveau pour retraverser l'espace et ainsi de suite. La deuxième fourmi s'est comporté de la même manière que la première. Ce qui m'a frappé c'est racines et fourmis semblent voir la même méthode exploratoire.
Une partition à trois espèces
En découvrant ce lien entre les fourmis et les racines du blé, j'ai eu envie de proposer aux racines d'investir le même espace que la fourmi après avoir creusé en sillons les traces de celle-ci.
Il en a résulté un tissu racinaire qui porte les traces de la fourmi :
J'ai ensuite imprimé sur une feuille, à l'encre noire, la plaque qui avait servi aussi bien à la fourmi qu'aux racines. Il en résulte est une sorte de partition à trois espèces : humain, végétal et insecte. J'ai réitéré l'expérience deux fois. Les résultats plastiques ne sont pas encore au rendez-vous mais il y a une voie intéressante à explorer.
Ce type d'expérience dans l'atelier est souvent un premier galop d'essai. Je tente quelque chose, je vois où ça mène, je reviens sur mes pas, je retente quelque chose et ainsi de suite. Finalement, ce mouvement exploratoire ressemble à bien des égards à celui des racines et des fourmis.
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